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dimanche 16 novembre 2014

Cornes

Cornes 

Auteur : Joe Hill
Editeur : J'ai Lu
ISBN : 978-2-290-05434-5
Nombre de pages : 510 pages
Prix : 8.40 €





Résumé de l'éditeur : 


USA, état du New Hampshire. Ignatius Perrish avait tout pour être heureux : une famille riche et heureuse, un avenir tout tracé. Mais il y a un an, sa fiancée, Merrin Williams, est retrouvée morte. Depuis Ignatius sombre dans le désespoir, noie son chagrin dans l'alcool, accumule les aventures sans lendemain. Jusqu'au jour où des cornes lui poussent sur la tête. La surprise passée, il découvre que ces deux appendices lui donnent le pouvoir de faire avouer l'inavouable aux gens qu'il croise. Don macabre ou coup de pouce du diable ? L'assassin de Merrin n'a plus qu'à prier pour ne pas croiser son chemin ! 


Mon avis : 


J'ai trouvé ce livre plutôt déroutant et malsain mais en même temps très prenant. L'idée de départ est intéressante, et j'ai beaucoup aimé ce qu'en a fait Joe Hill. Le pouvoir que les cornes donnent à Ig est cool et en même temps on peut comprendre qu'il ne soit pas ravi de sa situation : avoir accès en illimité et sans aucun contrôle aux petits secrets de son entourage n'est pas toujours une bonne chose, surtout que ces secrets sont majoritairement glauques. D'autant plus que certains personnages ont énormément de choses horribles à cacher. 

La façon dont on découvre les personnages est d'ailleurs intéressante : on a à la fois les choses que Ig découvre grâce aux pouvoirs que lui donnent les cornes, mais il y a aussi beaucoup de flashbacks sur l'adolescence des personnages et plusieurs versions d'une même scène ce qui donne une confrontation des points de vue captivante et amène une réflexion beaucoup plus profonde que ce à quoi on pourrait s'attendre de premier abord. En fait ce livre amène à des réflexions sur énormément de sujets différents : la façon dont tout le monde dissimule des choses, le couple, la religion, le rôle du diable, la nature du péché, la culpabilité...

Mais ce que j'ai trouvé le plus intéressant et le plus flippant c'est la réflexion sur la façon dont les hommes peuvent considérer et iinterpréterleur relation avec les femmes. En fait Merrin est à la fois le personnage féminin le plus important de l'histoire et celle dont on ignore le plus. Durant tout le roman elle n'a pratiquement pas le droit à la parole, même dans les flashbacks où elle apparaît fréquemment. Au lieu de ça elle est constamment vue à travers le regard des personnages masculins, en particulier Ig et le méchant qui interprètent chacun à leur façon ses gestes et ses paroles sans tenir compte de ce qu'elle est vraiment faisant ainsi d'elle une sorte d'archétype idéal à mettre sur un piédestal ou à baiser. Et là où ça devient vraiment flippant c'est que le méchant apparaît comme la personnification absolue du Nice Guy qui détourne tous les actes des personnages féminins, et en particulier de Merrin, comme des démonstrations d'affection et considère le fait de pouvoir les baiser comme une chose qui lui est due et non discutable. Or cette partie du roman est traitée de façon beaucoup plus réaliste et Joe Hill montre au fur et à mesure que progresse l'intrigue comment la façon qu'a ce personnage d’interpréter toutes les actions de Merrin dans le sens qui lui convient est malsaine. Personnellement j'ai trouvé ça à la fois captivant et horrible dans la mesure où ce  personnage est vraiment glauque. C'est certainement le point de l'histoire qui m'a mis le plus mal à l'aise par son réalisme et son côté tellement malsain, bien plus que toutes les scènes surnaturelles et les détails gores qu'on peut aussi trouver dans ce roman.

A part ça j'ai également apprécié le style de l'auteur même si je pense qu'il est important de souligner que ce récit est parfois assez cru dans son langage et dans les faits qui sont racontés. J'ai particulièrement aimé les flashbacks, et heureusement parce qu'ils occupent une part conséquente du roman. J'ai trouvé que l'ensemble du livre se lisait plutôt bien malgré quelques longueurs par moment. 


Un extrait : 


Ig baissa la tête pour lui montrer les cornes. Il expliqua au médecin qu'il n'arrivait pas à discerner ce qui était réel et ce qui ne l'était pas, et qu'il craignait d'être atteint de délires.
- Les gens n'arrêtent pas de me confier des trucs. De me parler des choses affreuses qu'ils ont envie de faire, et que normalement personne n'avouerai. Une petite fille vient de me dire qu'elle voulait faire cramer sa propre mère dans son lit. Votre infirmière m'a annoncé tout de go qu'elle voulait bousiller la voiture d'une pauvre fille. J'ai peur. Je ne sais pas ce qui m'arrive."
Le médecin examina les cornes, soucieux, le front creusé de rides.
- Ce sont des cornes, déclara-t-il.
- Je le sais bien.
- Elles semblent enflammées à la pointe, poursuivit le Dr Renald en secouant la tête. Est-ce que ça vous fait mal ?
- Ah, fit le médecin, et il se passa une main sur la bouche. Voyons ça. Je vais les mesurer.
Avec son mètre à ruban, il mesura la circonférence, la base, puis l'espace de la tempe à la pointe et d'une pointe à l'autre. Il inscrivit quelques chiffres sur son bloc de prescriptions. Puis il les ausculta en les tâtant de ses doigts calleux, l'air attentif, pensif, et Ig sut quelque chose qu'il ne voulait pas savoir. Il sut que deux ou trois jours plus tôt, debout dans la pénombre de sa chambre, le dr Renald s'était masturbé, caché derrière un rideau, tout en reluquant de sa fenêtre les amies de sa fille de dix-sept ans qui s'ébattaient dans la piscine.


A savoir : 


Une adaptation de ce roman est sortie au cinéma le mois dernier. Avec Daniel Radcliffe dans le rôle principal. J'ai loupé ce film et j'en suis assez triste parce que j'aurais voulu voir comment ils ont pu adapter ce roman. Néanmoins voilà la bande annonce : 




En conclusion : 


Un livre intéressant, avec un côté beaucoup plus réflexif que ce à quoi je m'attendais au départ. L'idée de base est plutôt cool et j'aime ce qu'en a fait Joe Hill. J'ai aimé son style aussi donc je pense que je lirai ces autres œuvres. Par contre c'est plutôt un livre à conseiller à un public averti qui n'a pas peur des gros romans.

1 commentaire:

  1. Moi aussi, j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman. Cela faisait vraiment très longtemps que je n'avais pas été autant captivée et fascinée par un livre. Je pense que je vais le relire.

    Pour commencer, je suis totalement d'accord avec ton analyse : la cruauté froide de Lee, le "nice guy" absolu, paraît bien plus démoniaque que les cornes et tous les secrets honteux que l'on peut bien voir dans le reste de l'intrigue. C'est d'un détachement horrible, et c'est un villain extrêmement bien caractérisé, en ce sens que de son point de vue, eh bien, il est un chic type et n'a rien à se reprocher, ce serait Merrin qui lui aurait envoyé des prétendus "signaux". Il est à la fois abject et réaliste.

    D'un autre côté, Ig non plus n'est pas innocent - du meurtre oui, évidemment, mais je veux dire qu'il a lui aussi sa part d'ombre. Sa relation avec Merrin est fusionnelle et teintée de folie (j'ai adoré le passage sur "la Maison de l'Esprit", par exemple, où on sent bien ce déséquilibre potentiel). Et on se rend compte qu'en fait, cette relation a pas mal de potentiel pour devenir étouffante, voire abusive.

    J'aime beaucoup la manière dont les effets des cornes sont construits, à la fois très logiques et inexpliqués. Le seul détail qui m'avait paru un peu Diabolus Ex Machina, c'était celui de l'ignifugation, car ça arrive assez tard ; mais c'est assez cohérent et important pour le scénario pour que finalement, cela aille. J'ai beaucoup aimé les serpents et cette idée de confession irrépressible, et évidemment le mind control.

    Le style m'a beaucoup plu, avec effectivement cette crudité de termes, de tournures, mêlée à un macabre décapant. C'est ce qui m'a le plus marquée, je crois. J'ai bien aimé les flash backs, également, et le mélange de cette atmosphère enfantine avec toujours quelque chose de sordide dans le fond.

    C'était vraiment un bon bouquin.

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